jeudi 24 mai 2007

Article 62

La force d’une route de campagne est autre, selon qu’on la parcourt à pied, ou qu’on la survole en aéroplane. La force d’un texte est autre également, selon qu’on le lit ou qu’on le copie. Qui vole voit la route s’avancer à travers le paysage : elle se déroule à ses yeux selon les mêmes lois que le terrain qui l’entoure. Seul celui qui va sur cette route apprend quelque chose de sa puissance, et apprend comment, de cet espace qui n’est pour l’aviateur qu’une plaine déployée, elle fait sortir, à chacun de ses tournants, des lointains, des belvédères, des clairières, des perspectives, comme l’ordre d’un commandant qui fait sortir ses soldats du rang. Il n’y a que le texte copié pour commander ainsi à l’âme de celui qui travaille sur lui, tandis que le simple lecteur ne découvre jamais les nouvelles perspectives de son intériorité, telle que les ouvre le texte, route qui traverse cette forêt primitive en nous-mêmes, qui va toujours s’épaississant : car le lecteur obéit au mouvement de son moi dans l’espace libre de la rêverie, tandis que celui qui copie le soumet à une discipline.

samedi 12 mai 2007

Article 56

Quand nous étions petites, nous recopiions des livres entiers ou des passages entiers de livres que nous envoyions à nos amis. Nous aurions pu leur envoyer des lettres, mais nous leur envoyions des copies, écrites de nos mains, de livres que nous aimions. Si nous leur avions envoyé les livres, nous leur aurions envoyé de la littérature. Telle ne devait pas être notre intention. Notre intention devait être de leur dire que nous les aimions en leur envoyant, copiés de nos mains, des livres ou des passages que nous aimions.

jeudi 3 mai 2007

Article 41

Les choses sont indifférentes à l’homme.
Mais voici que l’homme tripote. Alors il comprend les choses, les possède, les goûte et quand il les revoit, une fois tripotées, il sent boum! boum!
et joie dans son ventre.